lundi 27 novembre 2017

Quand François Lecointre remonte le Mékong

Arrivé aux commandes des opérations de l'armée française sans doute plus tôt que prévu, le nouveau
CEMA est aussi adepte d'une communication qui tranche avec celle de ses prédécesseurs. Dans une interview au JDD, il a terminé sur une note personnelle, rappelant comment sa mère, veuve d'un officier de marine, avait dû, seule, gérer une famille.
Dans un livre à sortir chez Gallimard (le 18 janvier), il livre un épisode sur lequel il n'avait, jusqu'alors, qu'assez peu "remonté le Mékong", sauf pour une vidéo de l'armée de terre, assez brève.
Contrairement à tous ses prédécesseurs, le nouveau CEMA est rompu à l'écriture, il a fait partie de l'aventure d'Inflexions, une revue parfois présentée comme celle rassemblant la génération montante... qu'on retrouve d'ailleurs, pour une bonne partie d'entre eux, autour du patron des armées (1). Les textes du livre proviennent en partie, d'ailleurs, d'Inflexions.
Dans ce livre collectif, il rappelle quelques réalités du pont de Vrbnja, notamment le fait qu'un de ses sous-officiers et lui-même avaient manqué, le matin de la reprise du pont, se faire lui-même capturer comme otage. "S’imposait dès lors à Taukapa et à moi plus encore qu’aux autres, l’obligation absolue de ne pas laisser transparaître notre peur" raconte le général Lecointre. (...) À ce stade, intervient un processus de gestion de stress, parfaitement naturel et spontané, par lequel chefs et subordonnés se renforcent réciproquement, les seconds retirant de l’apparente tranquillité des chefs, l’impression rassurante que le danger est surmontable, tandis que les premiers puisent dans l’exigence de sérénité de leurs subordonnés, la force de se contraindre à une certaine impavidité."
Sans oublier de citer à plusieurs reprises son chef de section de pointe, Bruno Helluin (blessé ce jour-là), le capitaine d'alors explique encore : "L’engagement physique, nous l’avons bien ressenti à cette occasion, s’impose comme un véritable besoin pour lutter contre la peur. Sans doute faut-il voir là, au moins autant que pour des motifs d’ordre tactique, une des raisons de la présence des chefs, commandant d’unité inclus, en première ligne, dans l’assaut".
Dans la version encore provisoire du livre, le CEMA-capitaine conclut : "au combat, la gestion du stress nécessite une profonde connaissance de soi dont, nécessairement, procède l’humilité. Cette humilité conduit naturellement à considérer, qu’en cette matière aussi, le chef a infiniment besoin de ses subordonnés."

(1) notamment Hervé Pierre, ancien chef de corps du 3e RIMa (déployé en Centrafrique avec son régiment), Brice Erbland (alatman et déjà auteur d'un premier livre au grade de capitaine), Pierre-Joseph Givre (un des théoriciens et praticiens français de la guerre en montagne), Frédéric Gout (qui mena les hélicoptères de Serval 1). Tous ces officiers ont participé aux dernières opex et écrit un ou plusieurs livres.